À ses débuts, la religion musulmane limitée à la péninsule arabique prenait sa source dans la Coran tout d’abord puis la Sunna (vie, actions et dires du prophète). Tout problème qui ne trouvait aucune réponse dans les 2 principales références était réglé par la décision (considérée le plus souvent comme parfaite) d’un des 4 califes-compagnons du prophète.
Mais l’islam n’allait pas se limiter aux seuls bédouins d’Arabie. Les conquêtes islamiques qui ont commencé activement après la mort du prophète mais surtout sous le 2ème calife Omar, vont mettre en contact l’islam à de nouvelles populations de langues, cultures et traditions différentes…
De nouvelles interrogations et de nouveaux problèmes apparaissent dans la vie des musulmans, certains d’ordre purement religieux, d’autres touchant à la vie quotidienne des populations nouvellement islamisées. Il était donc nécessaire d’apporter des réponses à ces questions, de préférence à partir du Coran et de la Sunna.
L’ijtihad ou l’effort d’interprétation était donc une nécessité pour permettre une application « vraie » des principes de l’islam lorsque le Coran et la Sunna ne semblent pas traiter de ces sujets de façon directe ou claire. Cet effort d’interprétation des textes des 2 sources sacrées va donner naissance au fiqh, un ensemble de jugements des comportements et des actions humaines. Ainsi, les actions des gens commencent à avoir chacune une qualification qui le plus souvent peut varier au cas par cas:
- l’obligatoire (fardh)
- le recommandé (mandub)
- le licite ou permis (mubah)
- le désapprouvé (makruh)
- l’interdit (mahdur ou haram ou mamboua)
Dans ce processus d’interprétation et d’explication, un nombre étonnant d’écoles de pensées (dites madhahib) voient le jour. Plusieurs savants fondent des écoles pour y enseigner et y penser l’islam avec leurs adeptes (ex: l’école de Hassan Basri, l’école d’Ouzahi, l’école de Mohammad ibn Jarir Tabari ou l’école de Daoud ibn Ali Esfahani…). Mais pour diverses raisons (politiques surtout), le nombre de ces écoles furent limitées au 9ème et au 10ème siècles à 4 seulement.
Aujourd’hui, nous disposons donc de 4 écoles juridiques musulmanes (ou Madhab) et une jurisprudence qui s’apparente à chacune d’elle (fiqh)

L’école Hanafite
Nuaman ibn Thabit ibn Zuta ibn Marzuban dit Abou Ḥanīfah (8ème siècle): juriste d’origine persane qui a vécu à Kufa (Irak). Il a formé plusieurs disciples dont certains étaient au service des califes omeyyades et abbassides.
Sa doctrine reste la plus souple et la plus libérale du sunnisme:
- Elle privilégie le recours au raisonnement par analogie
- Elle privilégie le recours à la réflexion rationnelle dans la recherche de solutions conformes à l’intérêt général
- Elle accorde une grande liberté à l’interprétation personnelle des juristes pour définir des règles de vie conformes à l’islam dans la perspective de l’intérêt général
L’influence: cette doctrine est adoptée par les turcs Seldjoukides puis les Ottomans et reste fortement implantée en Turquie aujourd’hui.
L’école Malékite
Malik ibn Anas (8ème siècle): juriste de Médine à qui on attribut d’un des plus anciens ouvrages de fiqh.
Sa doctrine s’appuie surtout sur les hadiths de la tradition prophétique maintenue dans la ville du prophète (Médine):
- Elle accorde un rôle secondaire (par rapport au hanafisme) au raisonnement par analogie
- Elle privilégie la recherche de l’intérêt général dans le respect du Coran et des hadiths du prophète
- Elle s’est montrée très intransigeants envers les chiites et les kharijites.
L’influence: dans l’Andalousie musulmane, en Afrique du Nord, Afrique Centrale et occidentale et dans une partie de l’Égypte
La Grande Mosquée de Kairouan (Tunisie), considérée pendant longtemps (et ce jusqu’au 10ème siècle) par les locaux comme le 4ème lieu saint de l’islam sunnite a été le principal centre d’enseignement du malékisme.
L’école Chaférite
Abu Abdullah Muhammad bin Idris ash-Chafiî dit Al-Chafii (fin 8ème-début 9ème). Al-Chafii a énormément voyagé pour se former auprès de plusieurs jurisconsultes (notamment auprès de Malik Ibn Anas) mais a fini par s’installer au Caire.
- Sa réflexion juridique s’appuie sur 3 principes essentiels:
- Référence au Coran
- Recours à la tradition du prophète
- Consensus entre les juristes
- Et si ces éléments ne permettent pas de statuer, on peut avoir recours:
- Au raisonnement par analogie qui est légitime
- À la réflexion personnelle du juriste qui reste aussi légitime du moment qu’elle est utilisée avec prudence
- En général, les décisions rendues par des juristes chafiites sont extrêmement méticuleuses et longuement argumentées
- Al-Chafii critique beaucoup les décisions prises par les autres juristes et les accuse de vouloir légiférer à la place de Dieu
- Il créa ainsi sa propre école de jurisprudence en combinant la pensée juridique du Hejaz (malikite) avec celle d’Irak (hanafite).
L’influence: Égypte, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Yemen, les Comores et Mayotte…
L’école Hanbalite
Ahmad Ibn Hanbal (8ème siècle) est né et a vécut à Bagdad. Il est le fondateur de l’école juridique la plus rigoriste. Il a aussi réuni l’un des plus volumineux corpus de hadiths du prophète (environ 30 000) mais ce sont ses disciples qui ont codifié son enseignement.
Sa doctrine s’oppose à celle des rationalistes et fait une ferme défense de la sunna:
- Il s’appuie sur une lecture littérale du Coran
- Il défend principalement
- Il reconnait, en matière juridique, comme seul consensus légitime celui qui se dégage de l’exemple des compagnons du prophète qu’il considère comme parfait
Son influence récente:
- Le hanbalisme a été repris au 19ème siècle en Arabie Saoudite sous la forme du wahhabisme qui prône le retour à l’islam des origines.
- Il exerce aussi une forte influence dans le reste du monde sunnite grâce à la propagande financée par la monarchie saoudienne.
- Ibn Hanbal a aussi influencé la pensée salafiste dans son attachement à l’islam de l’époque du prophète et de ses compagnons.
